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pour qui il n’était que le mari de sa femme.

À la fin de la saison, je tombai malade et, pendant deux semaines, ne sortis pas de la maison. Quand je fis ma première sortie, le soir, à la musique, j’appris que durant ma réclusion était arrivée Lady S… très connue pour sa beauté, qu’on attendait depuis longtemps. Un cercle se forma autour de moi, on me retrouva joyeusement, mais un cercle encore plus select entourait la nouvelle lionne. Tous autour de moi ne parlaient que d’elle et de sa beauté. On me la montra ; en effet elle était charmante, mais j’étais frappée désagréablement de l’expression de contentement de soi-même qui se montrait sur son visage et je le dis. Ce jour-là tout ce qui auparavant était si gai, me parut ennuyeux. Le lendemain Lady S… organisa une partie de plaisir au château, je refusai d’y aller. Presque personne ne restait avec moi et tout se changeait à mes yeux. Tout et tous me semblaient sots et ennuyeux, je voulais pleurer, finir plus vite ma saison, retourner plus vite en Russie. Un sentiment m’entrait en l’âme, mais je ne me l’avouais pas encore. Je m’excusai sous prétexte de faiblesse et cessai de paraître dans de grandes réunions. Je ne sortais que dans la matinée, rarement, seule, pour boire l’eau ; ou, avec une de mes connaissances russes, L.-M…, j’allais dans les environs. Pendant ce temps, mon mari était absent, il était allé pour quelques jours à Heidelberg en attendant la fin de ma saison pour