Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol5.djvu/293

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mença-t-il en se hâtant de m’interrompre, comme s’il craignait de me laisser tout dire. Comment la jugerais-tu ?

— Maintenant, je ne veux pas, répondis-je, malgré mon désir de l’écouter, mais il m’était agréable de détruire son calme, je ne veux pas jouer à la vie, je veux vivre comme toi.

Sur son visage où tout se reflétait rapidement et avec intensité parut une souffrance et l’attention forcée.

— Je veux vivre en égale avec toi…

Mais je ne pouvais achever, une tristesse trop profonde se lisait sur son visage. Il se tut un moment.

— Mais en quoi ne vis-tu pas comme mon égale ? — dit-il, — parce que c’est moi et non toi qui me débrouille avec le chef de police et les moujiks ivres…

— Non seulement en cela, — dis-je.

— De grâce, comprends-moi, mon amie, — continua-t-il. — Je sais qu’à cause des discussions, il nous arrive des choses très pénibles. J’ai vécu, et je sais cela. Je t’aime et alors je ne puis pas ne pas désirer te débarrasser de ces soucis. Ma vie est en cela, en l’amour pour toi. Alors ne m’empêche pas de vivre ainsi.

— Tu as toujours raison, — dis-je sans le regarder. J’étais irritée de ce que tout en son âme fut clair