Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol5.djvu/291

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

lui prouverai que ce sont des sottises. Non, il a besoin de penser que je ne le comprends pas, il lui est nécessaire de m’humilier par son calme majestueux, et d’avoir toujours raison contre moi. C’est pour cela que je m’ennuie, que je sens le vide, que je veux vivre, me mouvoir et non rester à la même place et sentir comment le temps fuit derrière moi. Je veux aller en avant et chaque jour, chaque heure, trouver quelque chose de nouveau, et lui veut s’arrêter et m’arrêter avec lui. Et comme ce lui serait facile ! Pour cela, il ne lui est pas nécessaire de m’amener en ville, il faut seulement être telle que moi, ne pas poser, ne pas se retenir, mais vivre tout simplement. C’est ce qu’il me conseille… et lui n’est pas simple, voilà ! »

Je sentais que les larmes me venaient à la gorge, et j’étais agacée contre lui. Effrayée de cet agacement, j’allai le trouver. Il était assis dans le cabinet et écrivait. Au bruit de mes pas, il se tourna pour un moment, et, indifférent, continua d’écrire. Ce regard ne me plut pas. Au lieu de m’approcher de lui, je m’assis près de la table où il écrivait et, ouvrant un livre, je me mis à le parcourir. Il se détacha de son travail encore une fois, et me jeta un regard.

— Macha, tu es de mauvaise humeur ! me dit-il. Je répondis avec un regard froid qui disait : Il n’y a pas à le demander, que signifie cette amabilité ?