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comme parti pour son fils je pourrais être meilleure et que je ferais bien de ne pas l’oublier. Et je la comprenais parfaitement et partageais cette opinion.

Ces deux dernières semaines, nous nous voyions chaque jour. Il arrivait vers le dîner et restait jusqu’à minuit. Mais malgré qu’il dît, — et je savais qu’il disait la vérité — que sans moi il ne vivait pas, il ne passait jamais la journée entière avec moi, et tâchait de continuer à s’occuper de ses affaires.

Nos relations extérieures, jusqu’au mariage, restèrent les mêmes : nous continuions à nous dire vous ; il ne me baisait même pas la main et non seulement ne cherchait pas à rester seul avec moi, mais il l’évitait. On aurait dit qu’il craignait de s’adonner à une douceur nuisible, trop grande, qui était en lui. Je ne sais pas qui de nous deux était changé, mais maintenant je me sentais tout à fait sienne. Je ne trouvais plus en lui la feinte de la simplicité qui auparavant me déplaisait, et souvent, avec plaisir, je voyais devant moi, au lieu d’un homme inspirant le respect et la peur, un enfant doux et éperdu de bonheur. « Alors c’est tout ce qu’il y avait en lui, — pensais-je souvent. — C’est un être comme moi, pas plus. » Il me semblait maintenant qu’il se montrait tout entier devant moi et que je le découvrais complètement. Et tout ce que je reconnaissais était si simple et si en accord avec moi ! Même ses plans sur notre