Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol5.djvu/19

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Il prit dans sa bourse trois roubles.

— Deux roubles pour ton temps, — dit-il, — et le reste comme pourboire.

Je remerciai humblement :

— Je vois que Monsieur est très bon. Pour une telle somme, on peut passer dessous.

Une seule chose est regrettable, c’est qu’il ne veut pas jouer d’argent ; autrement je m’appliquerais et gagnerais vingt ou trente roubles. Quand Messire aperçut l’argent du jeune Monsieur, alors il lui dit :

— Vous plairait-il de jouer une partie avec moi ? Vous jouez si bien.

Il se faisait comme un renard.

— Non, excusez, — dit-il, — je n’ai pas le temps. — Et il s’en alla.

Je ne sais pas qui était ce Messire. Quelqu’un l’avait appelé Messire et ça y était. Il passait des journées entières dans la salle de billard et regardait. On ne l’invite à aucun jeu et toujours il s’asseoit, prend sa pipe et fume. Mais il jouait, celui-là !


Bon. Nekhludov revint une deuxième fois, une troisième. Il se mit à venir souvent. Il lui arrivait d’être là matin et soir. Il a appris à jouer à trois billes, à la guerre, à la pyramide. Il devint plus hardi, fit connaissance avec nous tous et commença à jouer assez bien. Naturellement, un jeune