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— Si vous voulez jouer du violon, vous ne me gênerez pas du tout, — dit Delessov en posant le violon sur la table.

Albert regarda le violon avec un sourire de mépris. — Non, je suis faible et je ne peux pas jouer, — dit-il.

Et il repoussa l’instrument.

Après cela, à tout ce que lui proposait Delessov : de se promener, d’aller le soir au théâtre, il se contentait de saluer humblement et se taisait obstinément.

Delessov sortit, fit quelques visites, dîna chez des amis et avant d’aller au théâtre, passa à la maison pour s’habiller et pour savoir ce que faisait le musicien. Albert était assis dans l’antichambre obscure ; la tête appuyée sur les mains il regardait le poêle allumé. Il était vêtu proprement, lavé, peigné, mais ses yeux ternes, morts et toute sa personne exprimaient encore plus de fatigue et de faiblesse que le matin.

— Eh bien ! Avez-vous dîné, monsieur Albert ? — demanda Delessov.

Albert fit un signe affirmatif de la tête, et en regardant avec crainte le visage de Delessov, baissa les yeux.

Delessov se sentit gêné.

— Aujourd’hui j’ai parlé de vous au directeur, — dit-il en baissant aussi les yeux. — Il sera très