Delessov, silencieux, regardait avec effroi le visage ému et pâli de son interlocuteur.
— Vous connaissez Juristen-Walzer ? — s’écria soudain Albert ; et sans attendre la réponse, il bondit, saisit le violon et se mit à jouer une valse gaie. En s’oubliant tout à fait et supposant évidemment qu’un orchestre entier jouait après lui, Albert souriait, se balançait, marquait la mesure et jouait merveilleusement.
— Ah ! assez s’amuser ! — dit-il en terminant et en agitant le violon.
— J’irai, — dit-il après un court silence. — Et vous, n’irez-vous pas ?
— Où ? — demanda, étonné, Delessov.
— Chez Anna Ivanovna. Là-bas, c’est gai… le bruit, le monde, la musique.
Delessov, au premier moment, faillit consentir, mais, se reprenant à temps, il se mit à exhorter Albert à n’y pas aller aujourd’hui.
— J’irai pour un moment.
— Non, n’y allez pas.
Albert soupira et posa le violon.
— Alors, rester ?
Il regarda sur la table (il n’y avait plus de vin) et sortit en souhaitant bonne nuit.
Delessov sonna.
— Fais attention, ne laisse pas sortir M. Albert sans ma permission, — dit-il à Zakhar.