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rouge du soleil, à travers les nuages blancs. L’azur devenait plus brillant et plus sombre.

Sur la route, près de la stanitza, le sol était net, clair, jaunâtre, avec des creux par endroits ; dans l’air gelé, compact, on sentait une légèreté et une fraîcheur agréables.

Ma troïka courait très rapidement. La tête du cheval du milieu, son cou à la crinière flottant sur l’arc, se balançaient rapidement jusqu’au même endroit sous les clochettes de chasseur, dont le battant déjà ne frappait plus mais frôlait seulement les parois. Les bons bricoliers tendaient bien les traits gelés, courbés ; ils galopaient énergiquement. La houppe frôlait leur ventre même et l’avaloir. Parfois l’un des bricoliers tombait dans une ornière de la route défoncée, et, en se débattant pour en sortir, faisait sauter de la neige dans les yeux des voyageurs. Ignachka criait, d’un ténor clair, après les chevaux ; la gelée sèche grinçait sous les patins ; derrière, sonnaient comme à une fête les clochettes et l’on entendait les cris stimulants des postillons avinés. Je me retournai : le bricolier gris, bouclé, le cou tendu, retenant son souffle, la bride de côté, galopait sur la neige. Philippe, en agitant son fouet, réparait son bonnet ; le petit vieux les jambes soulevées, était, comme auparavant, allongé au milieu du traîneau.

Deux minutes après, le traîneau craquait sur les planches du perron, au relais débarrassé de la