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autre. Il était donc très naturel qu’il tâchât d’exposer les détails sous un jour avantageux pour lui. Mais voici réellement comment les choses s’étaient passées.

Le bataillon auquel le junker était attaché pour prendre part à la sortie, pendant deux heures s’était trouvé sous le feu, près d’un mur. Après, le commandant du bataillon, qui se trouvait en avant, dit quelque chose, les commandants des compagnies se remuèrent, le bataillon s’ébranla, sortit du parapet, puis ayant fait cent pas, s’arrêta, s’allongea en colonnes, par compagnie. On ordonna à Pest de se tenir sur le flanc droit de la deuxième compagnie.

Ne se rendant littéralement aucun compte ni de l’endroit où il était ni pourquoi il y était, le junker prit sa place, et en retenant involontairement son souffle, tandis qu’un frisson glacé lui parcourait le dos, inconscient il regarda en avant, dans le lointain sombre, en attendant quelque chose de terrible. Cependant il avait moins de peur, parce qu’il n’y avait pas de fusillade, que d’étonnement étrange à penser qu’il se trouvait en dehors de la forteresse, dans un champ. De nouveau, le commandant de bataillon qui était en avant prononça quelque chose ; de nouveau les officiers se mirent à chuchoter en transmettant des ordres, et soudain le mur noir de la première compagnie s’abaissa. On donnait l’ordre de se