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brillant de plus en plus. Elle tomba près de la tranchée. Il ne pencha qu’un peu la tête, involontairement, sous l’influence du cri effrayé et alla plus loin.

— « En voilà un brave ! » dit le matelot, qui d’un œil tranquille regardait tomber la bombe, et qui, jugeant d’un regard expert que ces morceaux ne pouvaient atteindre la tranchée, ne prenait même pas la peine de s’incliner.

Kalouguine n’avait plus que quelques pas à faire pour traverser un petit plateau accédant au blindage du commandant du bastion, quand tout à coup, il se sentit obscurci par cette peur stupide. Son cœur battait plus fort, le sang bourdonnait dans sa tête et il dut faire un effort sur soi-même pour parvenir jusqu’au blindage.

— Pourquoi êtes vous si essoufflé ? — lui demanda le général quand il lui eut transmis les ordres.

— J’ai marché très vite, Votre Excellence.

— Ne voulez vous pas un verre de vin ?

Kalouguine but un verre de vin et alluma une cigarette. L’affaire était déjà terminée, seule une forte canonnade continuait de chaque côté. Dans le blindage étaient assis le général N…, le commandant du bastion, et encore six officiers parmi lesquels Praskoukhine. On causait des divers détails de l’affaire. Assis dans cette chambre confortable, tapissée de papier bleu, avec un divan, un