Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol4.djvu/47

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’homme, je suis prête à l’embrasser quand je le verrai. Il se bat sur les bastions, il aura certainement la croix de Saint-Georges et on parlera de lui dans les journaux… » etc., etc. Si bien que je commence à être tout à fait jaloux de toi ».

Ailleurs il écrivait : « Les journaux nous arrivent affreusement tard ; il s’y trouve sans doute beaucoup de récits, mais on ne peut donner foi à tous. Par exemple, les demoiselles à la musique que tu connais, m’ont raconté hier que Napoléon est déjà pris par nos Cosaques et envoyé à Pétersbourg. Mais tu penses comme j’y crois ! Quelqu’un qui arrive de Pétersbourg (c’est un attaché du ministre, un homme très charmant, et maintenant qu’il n’y a personne dans la ville, c’est pour nous une ressource que tu ne peux t’imaginer) raconte comme certain, que les nôtres ont occupé Eupatoria, de sorte que les Français n’ont plus de communication avec Balaclava, et que dans cette affaire, quinze mille Français et deux cents des nôtres ont été tués. Ma femme a été tellement enthousiasmée par cette nouvelle, qu’elle a bamboché toute la nuit ; elle dit qu’elle a le pressentiment que tu étais à cette affaire et t’y es distingué ».

Malgré les paroles et les expressions que j’ai soulignées exprès et tout le ton de la lettre, le capitaine en second Mikhaïlov se rappelait avec un plaisir imprégné de tristesse son ami pâle de