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— Johan ! — cria-t-il de nouveau. — Donne-moi le compte des dix roubles. Qu’as-tu acheté en ville ?

Le comte examinait la note que lui remit le valet, et ne cessait de faire des observations sur la cherté des achats.

— Donne du rhum pour le thé.

— Je n’ai pas acheté de rhum, — répondit Johan.

— Admirable ! Combien de fois t’ai-je dit qu’il doit y avoir du rhum !

— Je n’avais pas d’argent.

— Pourquoi Polozov n’en a-t-il pas acheté ? Tu pouvais emprunter à son valet.

— Le cornette Polozov ? Je ne sais pas. Il a acheté le thé et le sucre.

— Animal !… Va-t’en !… Toi seul peux me mettre hors de moi. Tu sais qu’en marche je bois toujours le thé avec du rhum.

— Voici pour vous deux lettres de l’état-major, — dit le valet.

Le comte décacheta les lettres et se mit à les lire. Le cornette qui venait de loger l’escadron entra avec un visage gai.

— Eh bien, Tourbine ! Il me semble qu’on est très bien ici. Ma foi, je suis fatigué. Il faisait chaud !

— Très bien ! Une izba sale, puante, et grâce à toi il n’y a pas de rhum. Ton imbécile n’en a pas