la neige fondante couverte d’une mince écorce glacée, et chauffait agréablement le visage et le dos. Une vapeur montait des chevaux en sueur. La clochette sonnait. Un moujik qui conduisait une charrette sur un traîneau branlant, en tirant les guides en corde, s’écartait hâtivement en frappant de ses lapti[1] mouillés la route fondante. Une paysanne grosse, rouge, tenant un enfant était assise sur une autre charrette et du bout des guides frappait une petite rosse blanche, étique. Le comte se rappela tout à coup Anna Fédorovna.
— Retourne ! cria-t-il.
Le postillon ne comprit pas tout de suite.
— Retourne ! Va à la ville ! Plus vite que ça !
La troïka franchit de nouveau les remparts, et bravement roula vers le perron de bois de la maison de madame Zaïtzova. Le comte gravit rapidement le perron, traversa l’antichambre, le salon, et trouvant la jeune veuve encore endormie, la prit dans ses bras, la souleva du lit, baisa ses yeux clos et sortit en courant. Anna Fédorovna, en s’éveillant à demi, se pourlécha et demanda ce qui était arrivé. Le comte sauta dans le traîneau, cria au cocher de partir, et cette fois sans s’arrêter, sans même penser à Loukhnov, à la jeune veuve ou à Stiochka, ne songeant seulement qu’à ce qui l’attendait à Moscou, il quitta pour toujours la ville de K***.
- ↑ Chaussures d’écorce tressée.