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elle disait : « Assez, comte, vous plaisantez, » etc., sa voix un peu gutturale était pleine d’une telle naïveté simple et d’une telle bêtise amusante qu’en la regardant il vous venait en effet en tête, que ce n’était pas une femme mais une fleur et non pas une rose, mais une fleur sauvage blanche, rose sans parfum, poussée seule sur un tertre de neige dans un pays lointain.

Ce mélange de naïveté, d’absence de tout ce qui est convention et de fraîche beauté, produisit sur le comte une impression si étrange que plusieurs fois, quand la conversation s’interrompait, pendant un silence, en regardant ses yeux ou les belles lignes de ses bras et de son cou, il lui venait avec une telle force le désir de la prendre dans ses bras et de l’embrasser qu’il devait sérieusement se retenir. La veuve remarquait avec plaisir l’impression qu’elle produisait, mais quelque chose commençait à la troubler et à l’effrayer dans la conduite du comte, bien que le jeune hussard, avec une aimable flatterie, fût tout le temps respectueux jusqu’à l’obséquiosité selon les conceptions d’alors. Il courut lui chercher de l’orgeat, ramassa son mouchoir, et, pour le lui donner plus vite, arracha la chaise des mains d’un jeune propriétaire scrofuleux qui s’empressait aussi près d’elle, etc.

Remarquant que l’amabilité mondaine de ce temps agissait très peu sur sa cavalière, il essaya