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souvent que les autres. Il déchirait nerveusement sous la table la carte qui perdait et de ses mains tremblantes en choisissait une autre. Tourbine se leva du divan et demanda au Grec de le laisser asseoir près du banquier. Le Grec changea de place, le comte prit sa chaise et ne quitta pas des yeux les mains de Loukhnov.

— Iline ! — dit-il tout à coup de sa voix ordinaire, qui, malgré lui, étouffait toutes les autres ; — Pourquoi tiens-tu à ces cartes ? Tu ne sais pas jouer.

— Qu’on joue d’une façon ou de l’autre, c’est la même chose.

— Comme ça, tu perdras certainement. Donne, je jouerai pour toi.

— Non, excuse-moi, s’il te plaît, mais je joue toujours moi-même. Joue pour toi si tu veux.

— Non, je ne jouerai pas pour moi, mais je jouerai pour toi. J’enrage de te voir perdre.

— C’est évidemment mon sort !

Le comte se tut.

Appuyé sur le coude, de nouveau il se mit à fixer les mains du banquier.

— Mal ! prononça-t-il tout à coup très haut, et lentement.

Loukhnov se tourna vers lui.

— Mal ! mal ! — répéta-t-il encore plus haut en regardant droit dans les yeux de Loukhnov.

Le jeu continuait.