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lement n’alla pas faire visite à sa connaissance, le propriétaire, mais ne réclama plus de chevaux et de quatre jours ne sortit pas de la chambre.

Après avoir fait sa toilette et bu du thé, il s’approcha de la fenêtre. Il voulait se promener pour chasser le souvenir obstiné du jeu. Il mit son manteau et descendit dans la rue. Le soleil était déjà caché derrière les maisons blanches aux toits rouges. Le crépuscule commençait à s’étendre. Il faisait chaud. Sur les rues malpropres, des flocons de neige fondante tombaient doucement. À l’idée qu’il avait dormi toute cette journée, bientôt complètement écoulée, il devint tout à coup profondément triste.

« Le jour passé ne se retrouve jamais, » pensa-t-il. « J’ai perdu ma jeunesse ! » se dit-il spontanément, non parce qu’en effet il pensait avoir perdu sa jeunesse, il ne pensait point du tout cela, mais parce que cette phrase lui était venue à l’esprit.

« Que ferai-je maintenant ? — se demanda-t-il, — Emprunter à quelqu’un et partir. » Une dame passait sur le trottoir. « En voilà une sotte ! — pensa-t-il sans savoir pourquoi. « Personne à qui emprunter. J’ai perdu ma jeunesse. » Il s’approcha des boutiques. Un marchand en pelisse de renard était debout sur le seuil de sa boutique et appelait les clients. « Si j’avais écarté le huit, j’aurais pu gagner. » Une vieille mendiante geignait en le sui-