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II

Le cornette des Uhlans, Iline, venait de s’éveiller. La veille il s’était assis au jeu à huit heures du soir et avait joué pendant quinze heures de suite, jusqu’à onze heures du matin. Il avait perdu beaucoup, mais combien au juste, il ne le savait pas puisqu’il avait entre les mains trois mille à lui et quinze mille de l’État que depuis longtemps il mêlait avec le sien, et il avait peur de compter, craignant de se convaincre, de ce qu’il pressentait, qu’il manquait déjà quelque chose de l’argent d’État. Il s’endormit jusqu’à midi d’un sommeil lourd, sans rêves, comme en ont seuls les très jeunes hommes après de très grosses pertes. Il s’éveilla à six heures du soir, précisément quand le comte Tourbine arrivait à l’hôtel, et, en apercevant autour de lui, sur le parquet, les cartes, la craie, les tables maculées au milieu de la chambre, il se rappela avec horreur le jeu de la veille et la der-