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nova ? Lui. C’est lui qui a tué Sabline. C’est lui qui, prenant Matnev par les jambes, le lança par une fenêtre. C’est lui qui a gagné trois cent mille au prince Nestérov. Il faut connaître cette tête brûlée : joueur, bretteur, séducteur, mais hussard dans l’âme ; un vrai hussard. Il n’y a que des racontars sur nous, mais si l’on comprenait ce qu’est un vrai hussard ! Ah ! c’était le beau temps !

Et le cavalier se mit à narrer à son interlocuteur une telle orgie à Lébédiane avec le comte, que non seulement elle n’avait jamais eu lieu, mais qu’elle ne pouvait avoir eu lieu. Premièrement, parce que jamais auparavant il n’avait vu le comte et avait pris sa retraite deux ans avant que le comte n’entrât au service, et deuxièmement, parce que le cavalier n’avait pas servi dans la cavalerie, mais avait été, pendant quatre ans un modeste junker du régiment de Bielevsk et avait pris sa retraite aussitôt que promu lieutenant. Mais, dix années auparavant, ayant reçu un héritage, il était allé effectivement à Lébédiane, avait dépensé là, avec les remonteurs, sept cents roubles et s’était fait faire un uniforme à parements orange, afin d’entrer aux uhlans. Le désir d’entrer dans la cavalerie, et les trois semaines passées avec les remonteurs à Lébédiane, restaient la période la plus brillante et la plus heureuse de sa vie, si bien que ce désir pris d’abord pour la réalité, devenait ensuite un souvenir, et