Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol4.djvu/291

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

voix basse, — et du reste je n’ai plus d’argent.

Le comte tira de son portefeuille les deux seuls billets bleus qui s’y trouvaient, et en remit un au postillon qui lui baisa la main et sortit.

— Ça y est ! Je suis fini — dit le comte, — ce sont les derniers cinq roubles.

— C’est à la hussarde, comte ! — fit en souriant un des gentilshommes, évidemment un cavalier en retraite, à en juger par la moustache, la voix et l’allure énergique des jambes. — Vous avez l’intention de rester longtemps ici, comte ?

— Il faut trouver de l’argent, autrement je ne resterais pas. D’ailleurs, il n’y a pas de chambre, que le diable les emporte dans ce maudit cabaret…

— Permettez, comte, — objecta le cavalier, — ne voudriez-vous pas vous installer chez moi ? J’occupe le no 7. Si vous voulez me faire l’honneur de passer la nuit chez moi, en attendant. Restez chez nous trois jours. Aujourd’hui il y a bal chez le chef de la noblesse. Comme il serait heureux !

— Oui, oui, comte, restez donc — ajouta un autre des interlocuteurs, un joli jeune homme, — où allez-vous si vite ? Les élections n’arrivent qu’une fois en trois ans. Vous verrez au moins nos demoiselles, comte.

— Sachka ! donne du linge : j’irai au bain, — dit le comte en se levant. — Après nous verrons, peut-être en effet irai-je chez le chef de la noblesse.