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des nobles du pays, étaient assis devant du champagne, et à côté d’eux se tenaient des marchands ou des voyageurs en pelisses bleues.

Le comte, en entrant dans la chambre, appela Blücher, un énorme chien mâtin gris qu’il avait avec lui, ôta son manteau dont le collet était couvert de givre, et commanda de l’eau-de-vie. Resté dans son arkhalouk[1] de soie bleue, il s’assit près de la table et entama la conversation avec les messieurs qui étaient là, et qui, gagnés tout de suite par la physionomie belle et ouverte du voyageur, lui proposèrent une coupe de champagne. Le comte but d’abord un petit verre d’eau-de-vie, et ensuite commanda aussi une bouteille pour régaler ses nouvelles connaissances. Le postillon entra demander un pourboire.

— Sachka ! — cria le comte, — donne-lui.

Le postillon sortit avec Sachka, et revint bientôt avec l’argent dans la main.

— Eh quoi ! mon petit père, Votre Excellence ! il me semble que j’ai peiné pour ta Grâce ! Tu m’as promis cinquante kopeks et il ne m’en donne que vingt-cinq.

— Sachka ! donne-lui un rouble.

Sachka, baissant les yeux, regarda les jambes du postillon.

— C’est assez pour lui — prononça-t-il d’une

  1. Sorte de surtout court, porté au Caucase comme veston d’intérieur.