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maison, ce qu’on appelle une femme charmante, mais elle ne me plut jamais… Cet hiver, quand je fis sa connaissance, elle me parlait souvent, avec une fierté mal dissimulée, de son frère qui venait de terminer ses études ; c’était selon elle, le jeune homme le plus instruit et le plus choyé du beau monde de Pétersbourg. Connaissant de renom le père de Gouskov, homme très riche et important, étayant l’opinion de la sœur, je rencontrai le jeune Gouskov avec une certaine prévention. Une fois, le soir, en venant chez Ivachine, je trouvai chez lui un jeune homme de taille moyenne, d’aspect agréable, en frac noir, cravate et gilet blancs, qu’on avait omis de me présenter. Le jeune homme qui, évidemment, se préparait à aller au bal, le chapeau à la main, était debout devant Ivachine, et discutait chaleureusement, mais poliment, sur une de nos connaissances communes, qui se distinguait alors dans la campagne de Hongrie. Il niait l’héroïsme de cette personne, niait que ce fût un homme né pour la guerre, comme on disait, et le jugeait seulement intelligent et instruit. Je me souviens que je pris part à la discussion contre Gouskov, et m’entraînai à l’extrémité opposée en prouvant que l’intelligence et l’instruction sont en rapport inverse du courage. Je me rappelle comment Gouskov, avec charme et esprit, me prouvait que le courage est le résultat nécessaire de l’esprit et d’un certain degré de son développement, si bien