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— Il nous a tout pris et maintenant il ne lui reste que sa chemise !

Et le capitaine en second Sch… riait de bon cœur. Voilà, Gouskov vit chez lui et vraiment il a failli le perdre, lui aussi. N’est-ce pas, mon vieux ? — fit-il à Gouskov.

Celui-ci se mit à rire. Il avait un rire pénible, maladif qui changeait tout à fait l’expression de son visage. Il me semblait reconnaître ces changements de physionomie, il me semblait avoir vu cet homme autrefois. En outre, son vrai nom, Gouskov m’était connu. Mais où et quand l’avais-je vu ? il m’était impossible de me le rappeler.

— Oui, — dit Gouskov, en portant sans cesse la main à sa moustache et, sans la toucher, l’abaissant — décidément Paul Dmitrievitch n’a pas de chance dans cette expédition. Une veine de malheur, ajouta-t-il avec une prononciation française très étudiée mais très pure, et il me sembla de nouveau, l’avoir déjà vu quelque part et même très souvent. Je connais bien Paul Dmitrievitch, il me confie tout — continua-t-il. — Nous sommes de vieilles connaissances… c’est-à-dire, il m’aime, — ajouta-t-il, visiblement effrayé de la trop hardie affirmation d’être vieille connaissance d’un aide de camp — Paul Dmitrievitch joue admirablement, mais c’est étonnant ce qui lui arrive, il est tout à fait comme perdu : la chance a tourné — fit-il, s’adressant à moi en particulier.