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des bancs et à tour de rôle, buvions du thé dans trois verres en regardant la plaine que commençait à envelopper le crépuscule. Nous causions et riions à propos de diverses circonstances du jeu.

L’inconnu ne prenait aucune part à la conversation ; il refusa obstinément le thé que je lui proposai plusieurs fois et, assis à terre à la mode tatare, avec du tabac coupé très mince, il faisait des cigarettes qu’il fumait, non pas tant pour son propre plaisir, mais comme il semblait, pour avoir l’air d’être occupé. Quand nous rappelâmes qu’on attendait la retraite pour le lendemain et peut-être le combat, il se dressa sur les genoux et s’adressant au capitaine en second Sch… dit qu’il venait de chez l’aide de camp et qu’il avait écrit lui-même l’ordre de la retraite pour le lendemain. Tandis qu’il parlait nous nous tûmes tous et malgré sa timidité évidente, nous lui fîmes répéter cette nouvelle extrêmement intéressante pour nous. Il répéta ce qu’il avait dit en ajoutant cependant qu’il se trouvait et était assis chez l’aide de camp avec qui il habite, quand on apporta l’ordre.

— Prenez garde, petit père ! Si vous dites vrai, alors il me faut aller à la compagnie donner des ordres pour demain — dit le capitaine en second Sch….

— Mais, comment donc… Comment ne serait-ce pas… J’ai assurément… se prit à dire le soldat, mais subitement il se tut, et se décidant visible-