Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol4.djvu/233

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

répandaient au-dessus, et de même que la veille les feux tranquilles, hardis, lointains brillaient dans la mer sur la flotte ennemie. Un vent frais agitait la baie. À la lumière des incendies on apercevait les mâts de nos navires coulés qui, lentement, s’enfoncaient de plus en plus profondément dans l’eau. On n’entendait point de conversations sur le pont, mais seulement, à travers le son régulier des ondes coupées et de la vapeur, on entendait l’ébrouement des chevaux et leur piaffement sur les bacs. On entendait les paroles de commandement du capitaine et les gémissements des blessés. Vlang qui n’avait rien pris de toute la journée, tira un morceau de pain qu’il se mit à mordre. Mais tout à coup, se rappelant Volodia, il pleura si haut que les soldats qui étaient près de lui l’entendirent.

— Voilà ! Il mange du pain et pleure, notre Vlanga, — dit Vassine.

— C’est drôle ! — dit un autre.

— Regarde, ils ont brûlé nos casernes, — continua-t-il en soupirant. — Combien des nôtres ont péri ! Et quand même, les Français sont les maîtres.

— Du moins, nous, grâce à Dieu, nous en sommes sortis vivants, dit Vassine.

— Quand même, c’est enrageant !

— Eh bien, qu’y a-t-il d’enrageant ? Peut-il s’amuser ici ? Comment donc ! tu verras que les