Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol4.djvu/219

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Une balle siffla juste au-dessus du groupe et tomba sur une pierre.

— Prends garde encore, avant ce soir tu auras un congé définitif — dit l’un des soldats.

Tous rirent.

Et non seulement avant le soir, mais deux heures après, deux d’entre eux avaient déjà un congé définitif, cinq étaient blessés, mais les autres continuaient à plaisanter sur le même ton.

Vers le matin, en effet, les deux mortiers étaient réparés de façon qu’on pouvait tirer. À dix heures, par ordre du chef du bastion, Volodia réunit son détachement et avec lui partit au bastion. Parmi les soldats, on ne pouvait remarquer même une ombre de ce sentiment de crainte qui s’exprimait la veille en commençant le travail. Seul, Vlang ne pouvait se vaincre : il se cachait, se courbait toujours. Vassine avait perdu un peu de son assurance, il s’agitait et se penchait sans cesse. Quant à Volodia, il était d’un enthousiasme extrême, il ne songeait pas même au danger. La joie de remplir son devoir, non seulement de n’être pas un poltron mais un brave, le sentiment du commandement et la présence de vingt soldats qui, il le savait, le regardaient avec curiosité, faisaient de lui un vrai brave. Il se vantait même de sa bravoure. Il s’en vantait devant les soldats, montait sur la banquette, et exprès, déboutonnait sa capote pour être mieux remarqué. Le chef du