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L’air était pur et frais, — surtout après le blindage — la nuit était claire et calme… À travers le grondement des canons, on entendait le bruit des roues et des chariots qui amenaient les gabions, et les conversations des hommes qui travaillaient à la poudrerie. Au-dessus de la tête, le ciel haut, étoilé, que sillonnaient sans cesse les traces enflammées des bombes ; à gauche, un trou d’une archine conduisant à l’autre blindage, d’où l’on apercevait les jambes et les dos des marins qui y logeaient, et d’où l’on entendait leurs voix ; en face on voyait le monticule de la poudrière, devant laquelle passaient et repassaient des hommes courbés, et sur le monticule, sous la pluie de balles et d’obus qui sifflaient sans cesse en cet endroit, se montrait une haute figure, en capote noire, les mains dans les poches et qui piétinait la terre que d’autres y apportaient dans des sacs. Souvent la bombe tombait et éclatait très près de la poudrière. Les soldats qui portaient la terre s’inclinaient, s’écartaient, et la figure noire ne se mouvait pas, piétinait tranquillement la terre, et restait à la même place, toujours dans la même position.

— Quel est cet homme noir ? — demanda Volodia à Melnikov.

— Je ne sais pas, j’irai regarder.

— N’y va pas, ce n’est pas nécessaire.

Mais Melnikov, sans l’écouter, se leva, s’approcha