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peu plus loin, sur une large place gisent d’énormes solives, des affûts de canon, des soldats endormis. Là se trouvent aussi des chevaux, des chariots, des canons et des caissons verts, des faisceaux de fusil. Par ci, par là, marchent des soldats, des matelots, des officiers, des femmes, des enfants, des marchands ; on conduit des chariots pleins de foin, de sacs, de tonneaux. Plus loin passent des Cosaques, un officier à cheval, un général en voiture. À droite la rue est barrée par une barricade, dans les embrasures on a placé de petits canons ; près d’eux un matelot assis fume sa pipe. À gauche une jolie maison, avec des chiffres romains au fronton ; au-dessous se tiennent des soldats avec des brancards ensanglantés. Partout les traces lugubres d’un campement de guerre.

Votre première impression est absolument très désagréable : l’étrange mélange de la vie de camp et de la vie urbaine, d’une ville jolie et d’un bivouac infect, non seulement n’est pas beau, mais présente un aspect désordonné et répugnant. Il vous semble même que tous sont effrayés, s’agitent et ne savent que faire. Mais regardez plus près le visage de ces hommes qui s’agitent autour de vous et vous jugerez différemment. Regardez, par exemple, ce soldat du train qui mène à l’abreuvoir une troïka de chevaux harassés, et qui chantonne si tranquillement quelque chose :