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quittez la rive. Autour de vous, la mer brille déjà sous le soleil matinal ; devant est le vieux matelot en paletot de poil de chameau et un jeune garçon très blond, qui, silencieux, s’occupent très attentivement des rames. Vous regardez les masses des vaisseaux proches et lointains dispersés dans la baie, les petits points noirs des canots qui s’agitent sur l’azur brillant et les bâtiments de la ville, jolis, clairs, colorés des rayons roses du soleil levant qu’on aperçoit à l’autre bord, la ligne d’écume blanche autour de la jetée et des vaisseaux submergés desquels on remarque tristement, par ci, par là, la pointe noire des mâts, au loin la flotte ennemie qu’on distingue sur l’horizon de cristal de la mer ; sur les ondes écumantes sautent les globules salins soulevés par les rames. Vous entendez le son des voix qui vous arrivent par l’eau et le grondement majestueux des canons qui, vous semble-t-il, augmente à Sébastopol.

Il est impossible qu’à la pensée que vous êtes vous aussi à Sébastopol, votre âme ne soit pénétrée d’un sentiment de courage, d’orgueil et que votre sang ne commence à courir plus vite dans vos veines.

— Votre Seigneurie ! Tenez, droit sur le Constantinl — vous dira un vieux matelot en se retournant pour contrôler la direction que vous donnez au canot.

— Tiens, il a encore tout ses canons — remar-