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En gravissant la montée, devant un haut mur blanc, il entra dans la rue dont les petites maisons étaient écrasées et éclairées sans cesse par les bombes. Une femme ivre, déguenillée, qui sortait d’une porte cochère avec un matelot se buta contre lui.

— C’est pourquoi… si c’était un homme noble — murmurait-elle. — Pardon, Votre Noblesse, monsieur l’officier !

Le cœur du pauvre garçon se serrait de plus en plus, et sur l’horizon noir l’éclair s’enflammait de plus en plus souvent, et les bombes de plus en plus souvent sifflaient et éclataient près de lui. Nikolaïev soupirait et soudain il se mit à parler, comme il sembla à Volodia, d’une voix effrayée et contenue :

— Voilà, vous êtes toujours pressé de partir. Partir, partir, il n’y a vraiment pas de quoi se hâter !

— Mais quoi ! Puisque mon frère est maintenant guéri, répondit Volodia, espérant au moins dissiper par la conversation, le sentiment pénible qui l’envahissait.

— Guéri ! Quelle santé, quand il est tout malade ; même pour ceux qui se portent tout à fait bien, il vaudrait mieux en pareil temps vivre à l’hôpital. Est-ce qu’il y a beaucoup de plaisir ici, hein ? On arrache une jambe ou le bras, voilà tout. Il ne faut pas longtemps ! Même ici, à la ville, ce n’est pourtant pas le bastion, et quelle horreur !