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noblesse, nous sommes six qui allons à Sébastopol sur notre propre désir — dit le jeune officier bavard. Seulement nous ne savons pas où sont situées nos batteries. D’aucuns disent à Sébastopol, et voilà que lui, dit à Odessa.

— À Simferopol, ne pouvait-on vous renseigner ? demanda Kozeltzov.

— On ne sait pas… le croiriez-vous, notre camarade est allé là-bas à la Chancellerie et on lui a dit des injures… Vous ne pouvez vous imaginer comme c’est désagréable… Voulez-vous une cigarette toute préparée ? — dit-il en s’adressant en ce moment à l’officier sans bras qui voulait tirer sa tabatière.

Il le servait avec un empressement enthousiaste.

— Et vous êtes aussi de Sébastopol ? — continua-t-il. — Ah ! mon Dieu ! C’est admirable ! C’est étonnant ! Comme nous tous à Pétersbourg avons rêvé de vous, les héros ! — dit-il en s’adressant à Kozeltzov avec respect et tendre bonhomie.

— Comment donc, il vous faudra peut-être revenir ? — demanda le lieutenant.

— Voilà, c’est précisément ce que nous craignons. Pouvez-vous vous imaginer que nous avons acheté le cheval en nous privant même du nécessaire : du café, de l’eau-de-vie et encore de différentes petites choses… et il ne nous reste pas du tout d’argent — dit-il d’une voix basse et en se tournant vers son camarade — de sorte que si