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des baquets vides et des civières. Un gros monsieur élégamment vêtu, l’architecte sans doute, debout près de l’échafaudage, désignait quelque chose à un contre-maître, de la province de Vladimir, qui l’écoutait avec déférence. Devant eux, par la porte charretière, sortaient des chariots vides et entraient des chariots chargés.

« Et dire que tous, ceux qui travaillaient ainsi que ceux qui les font travailler, sont convaincus que cela doit se passer ainsi : qu’ils doivent construire ce palais insensé et inutile, pour quelque individu aussi insensé et aussi stupide, un de ceux qui les ruinent et les volent, tandis que chez eux, à la campagne, leurs femmes enceintes sont accablées par un travail trop dur pour elles, et que leurs enfants, à demi-morts de faim, sourient d’un air vieillot en tortillant leurs petites jambes », pensait Nekhludov en regardant cette maison.

— Oui, stupide maison ! dit-il en exprimant tout haut sa pensée.

— Comment stupide ? repartit le cocher offensé ; au contraire, cela donne du travail à l’ouvrier. Ce n’est pas une maison stupide !

— Mais ce travail qu’ils font est inutile !

— Il est utile puisqu’on construit, répliqua le cocher. Ça nourrit le monde.

Nekhludov se tut. Du reste il était difficile de parler à cause du bruit des roues. Non loin de la