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— Jamais ceux de chez nous ne se mettront d’accord là-dessus ! affirma le vieillard hargneux.

— Ce sera une bataille éternelle ! affirma le vieillard à la barbe blanche et aux yeux riants.

— Et puis, comment partager la terre d’après sa qualité ? ajouta Nekhludov. Pourquoi les uns auraient-ils du terreau et les autres de l’argile ou du sable ?

— Mais on partagerait chaque qualité pour que tous aient une part égale, dit le poêlier.

Nekhludov objecta qu’il ne s’agissait pas seulement de partager dans une communauté unique, mais partout, dans les différentes provinces. Si l’on donne gratuitement la terre aux paysans, pourquoi les uns auraient-ils de la bonne terre et les autres de la mauvaise ? Tous en voudront de la bonne.

— Parfaitement bien ! fit le soldat.

Les autres se taisaient.

— Vous voyez bien que ce n’est pas si simple que cela, dit Nekhludov. Et non seulement nous seuls mais plusieurs pensent à cette question. Il y a un Américain du nom de George. Eh bien ! voici ce qu’il a imaginé, et je suis de son avis.

— Tu es le maître, tu n’as qu’à la donner ; c’est ta volonté ; dit le vieillard hargneux.

Cette interruption troubla Nekhludov, mais il put constater, avec plaisir, qu’il n’était pas seul à la juger intempestive.