Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol37.djvu/68

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

bruni par le soleil, eut remis son grand bonnet, boutonné son caftan neuf fait à la maison, et, arrivé au banc, s’assit, les autres suivirent son exemple. Quand tous furent installés, Nekhludov s’assit en face d’eux, et, s’appuyant sur les papiers posés sur la table, où était écrit son projet, il commença à l’exposer.

Soit parce qu’il y avait moins de paysans, soit parce qu’il était préoccupé non de soi, mais de son projet, Nekhludov n’éprouvait à présent aucun embarras. Involontairement il s’adressait d’une façon toute spéciale au grand vieillard à la barbe blanche frisée, attendant de lui l’approbation ou la critique. Mais l’idée que se faisait de lui Nekhludov était erronée. Le vénérable vieillard, approuvait d’un mouvement de sa belle tête de patriarche ou fronçait les sourcils, quand les autres semblaient désapprouver, mais, personnellement, il comprenait à grand’peine ce que disait Nekhludov, et ses compagnons devaient tout lui répéter, dans leur patois. Nekhludov était bien mieux compris du voisin du vieillard, un petit vieux, miséreux, presque imberbe et borgne, en poddiovka de nankin rapetassée, et chaussé de vieilles bottes éculées. Il était poêlier comme l’apprit ensuite Nekhludov. Cet homme accompagnait d’un mouvement de sourcil chaque effort qu’il faisait pour comprendre, et traduisait aussitôt, à sa manière, ce que disait Nekhludov. Un autre vieillard trapu, à barbe