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— Je resterai ici encore un jour. Si vous changez d’avis vous m’en préviendrez.

Les paysans ne répondirent pas.

Et, sans avoir pu rien en tirer, Nekhludov regagna le bureau.

— Voyez-vous, prince, lui dit le gérant, comme ils rentraient ; vous n’arriverez jamais à vous entendre avec eux : le peuple est têtu. Quand il est en assemblée, il se bute, et on ne peut rien en tirer. Il a peur de tout. Et cependant, parmi ces paysans, il en est d’intelligents, ainsi le vieux grisonnant, et le noir, qui ne voulaient pas consentir à votre proposition. Quand celui-ci vient au bureau et que je lui offre du thé, dit le gérant souriant, et que je le fais causer, il montre une intelligence remarquable : un vrai ministre ! Il juge de tout et avec bon sens. Mais en assemblée, c’est un autre homme, il ne démord pas de son idée…

— Dans ce cas, ne pourrait-on en faire venir quelques-uns ici, parmi les plus intelligents ? demanda Nekhludov. Je leur expliquerai l’affaire en détail.

— C’est possible, répondit le gérant toujours souriant.

— Eh bien, s’il vous plaît, faites-les venir demain.

— C’est possible, répéta le gérant, plus épanoui encore, ils seront ici demain.