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pencher la balance du côté du désir artistique. Cette force fut l’amour, la pitié pour des hommes qui souffraient.

On sait que vers le milieu des années 90, en Russie, au Caucase, les Doukhobors subirent de cruelles persécutions. On faillit presque les exterminer. Quand, ruinés, brisés par tout ce qu’ils avaient enduré, ils reçurent enfin l’autorisation de quitter la Russie, ils n’avaient pas les moyens de partir. Depuis longtemps, Tolstoï n’avait plus d’argent à sa disposition, et l’aide immédiate était nécessaire. C’est alors qu’il se décida à tirer profit de son talent artistique, qu’il regardait comme un luxe d’employer pour son propre plaisir. Mais maintenant il s’agissait de sauver la vie de quelques milliers d’hommes, le prétexte était bon.

Tolstoï entra en relations avec de grands éditeurs russes et étrangers, et mit à la disposition des Doukhobors les honoraires qui lui furent consentis, et qui formaient une somme si importante qu’il put ainsi permettre à 7.000 Doukhobors d’émigrer au Canada. Les Quakers anglais et plusieurs autres personnes se joignirent encore à Tolstoï, et cette généreuse entreprise put ainsi être menée à bonne fin.

Dès que Tolstoï eut résolu de venir en aide aux Doukhobors au moyen de son roman, il se mit énergiquement au travail et, en moins d’un an, il