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pris la proposition de Nekhludov, lorsque celui-ci déclara vouloir employer tout le revenu de ses terres à constituer aux paysans un capital pour les besoins de la communauté.

— Je comprends. Ainsi, vous recevrez les intérêts de ce capital ? dit-il tout rayonnant.

— Pas du tout. Comprenez-moi bien : je leur abandonne complètement mes terres.

— Et alors vous ne toucherez pas de revenu ? demanda le gérant en cessant de sourire.

— Eh bien, oui ; j’y renonce.

Le gérant poussa un profond soupir auquel succéda bientôt un nouveau sourire. Maintenant il avait compris. Il avait compris que Nekhludov n’avait pas son bon sens, et aussitôt il se mit à chercher dans le projet de Nekhludov, qui renonçait à ses terres, le moyen d’en tirer un profit personnel, et il voulait à toute force comprendre ce projet d’une manière qui le faisait bénéficier de cet abandon des terres.

Mais quand il se rendit compte que cela aussi était impossible, il en fut peiné et cessa de s’intéresser au projet, et c’est seulement pour être agréable au maître qu’il continua de sourire. Voyant que le gérant ne le comprenait pas, Nekhludov le laissa partir et s’assit à la table toute tailladée et tachée d’encre, et il commença à mettre son projet sur le papier.

Le soleil venait de se coucher derrière le jeune