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L’objection ordinaire : « Que faire des criminels ? Faut-il donc les laisser impunis ? » ne le troublait plus. Cette objection n’aurait eu de sens que si les châtiments avaient fait diminuer le nombre des crimes, s’ils avaient corrigé les criminels ; mais lorsque la preuve du contraire est faite, lorsqu’il est évident qu’il n’est pas au pouvoir des uns d’amender les autres, la seule chose raisonnable qu’on puisse faire c’est de renoncer à des actes inutiles, nuisibles même, en outre immoraux et cruels. Depuis des siècles vous sévissez contre de prétendus criminels ! Eh bien ! ont-ils disparu ? Non seulement ils ne diparaissent pas, mais leur nombre a augmenté, sans parler de ceux que les châtiments ont pervertis et, de ce nombre, les magistrats, les procureurs, les geôliers, qui jugent et condamnent les hommes.

Nekhludov comprenait maintenant que la société, en général, existe non pas grâce à ce que des criminels légaux jugent et punissent leurs semblables, mais parce que, malgré eux, les hommes ont quand même de la pitié et de l’amour les uns pour les autres.

Dans l’espoir de trouver la confirmation de cette pensée dans ce même évangile, Nekhludov se mit à le lire depuis le commencement. Après avoir lu le Sermon sur la Montagne, qui, de tout temps, l’avait touché, pour la première fois, il y vit non plus de nobles pensées abstraites, expo-