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et l’ayant saisi, il l’étranglait, en lui disant : Paye-moi ce que tu me dois.

29. Et son compagnon de service, se jetant à ses pieds, le suppliait en lui disant : Aie patience envers moi, et je te paierai tout.

30. Mais il n’en voulut rien faire : et, s’en étant allé, il le fit mettre en prison, pour y être jusqu’à ce qu’il eût payé sa dette.

31. Ses autres compagnons de service, voyant ce qui s’était passé, en furent fort indignés ; et ils vinrent rapporter à leur maître tout ce qui était arrivé.

32. Alors son maître le fit venir, et lui dit : Méchant serviteur, je t’avais quitté toute cette dette, parce que tu m’en avais prié :

33. Ne te fallait-il pas aussi avoir pitié de ton compagnon de service, comme j’avais eu pitié de toi ?

« Serait-ce donc uniquement cela ? » s’écria tout à coup Nekhludov après avoir lu ces paroles. Et la voix intime de tout son être lui dit : « Oui, ce n’est rien que cela ! »

Et il se produisit chez Nekhludov ce qui se produit souvent chez les personnes qui vivent de la vie de l’esprit. La pensée qui semblait d’abord étrange, paradoxale, même fantaisiste, à la suite d’une confirmation de plus en plus fréquente dans la vie, se présente soudain comme une vérité très simple et indiscutable. Ainsi, maintenant lui parut claire cette pensée que le moyen unique et certain du salut de l’effroyable mal dont souffrent les hommes consiste simplement en ce qu’ils se reconnaissent toujours coupables envers Dieu, et,