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procure aux hommes. » Et il comprit alors pourquoi sa honte à cause des arrangements faits à Kouzminskoié. Il s’était trompé lui-même : sachant que l’homme n’a pas le droit de posséder la terre, il s’était reconnu ce droit et n’avait abandonné aux paysans qu’une partie de ce que, au fond de son âme, il savait ne pas devoir lui appartenir. Maintenant il agirait autrement, et il détruirait ce qu’il avait fait à Kouzminskoié. Alors, mentalement, il élabora un nouveau projet : louer ses terres aux paysans et employer l’argent des loyers à payer leurs impôts et à couvrir les dépenses de la communauté. Ce n’était pas encore le Single-tax, mais c’était ce moyen qui s’en rapprochait le plus et qui était le plus réalisable en l’état actuel. Le principal était de renoncer pour soi-même au droit de propriété foncière.

Quand il revint à la maison, le gérant, avec un sourire plus particulièrement empressé, lui proposa de dîner, mais en exprimant la crainte que les mets, préparés par sa femme et la jeune fille aux boucles d’oreilles, ne fussent trop bouillis ou trop rôtis.

La table était couverte d’une nappe de toile écrue ; au lieu de serviette, c’était un essuie-mains brodé, et sur la table, dans une soupière de vieux saxe à l’anse cassée, fumait une soupe aux pommes de terre, faite avec le même coq, qui allongeait alternativement ses pattes noires ; mainte-