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le directeur de la prison, parce qu’il retenait des hommes en captivité.

— Demandez-lui donc comment, à son avis, il faut traiter ceux qui n’observent pas la loi ? dit l’Anglais.

Nekhludov traduisit la question.

Le vieillard sourit, découvrant des dents serrées.

— La loi ! fit-il avec mépris. Il a commencé par dépouiller tout le monde, par s’emparer de toute la terre, de toutes les richesses, il a tué tous ceux qui lui résistaient, et puis il a écrit sa loi qui défend de dépouiller et de tuer. Il aurait dû commencer par écrire cette loi.

Nekhludov traduisit. L’Anglais sourit.

— Eh bien, quand même, demandez-lui donc ce qu’on doit faire maintenant des voleurs et des assassins ?

Nekhludov traduisit de nouveau la question. Le vieillard fronça sévèrement les sourcils.

— Dis-lui de se débarrasser de l’empreinte de l’Antéchrist ; alors il n’y aura pour lui ni voleurs ni assassins. Dis-le lui comme ça.

He is crazy ! fit l’Anglais, quand Nekhludov lui eut traduit les paroles du vieillard, et il sortit de la salle en haussant les épaules.

— Fais ton affaire et ne t’inquiète pas des autres. Chacun pour soi. Dieu sait qui il faut punir et qui grâcier, et nous, nous ne le savons pas, dit encore le vieillard. Sois toi-même ton maître,