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malade depuis longtemps. Le directeur répondit qu’il n’était malade que depuis le matin. Quant au vieillard, il souffrait de l’estomac depuis longtemps, mais on ne savait où le mettre ailleurs, l’infirmerie étant archicomble. L’Anglais eut un mouvement de tête désapprobateur et exprima le désir de dire quelques mots à ces hommes ; et il pria Nekhludov de les traduire. Il résultait que l’Anglais, outre qu’il voyageait pour décrire les lieux de déportation de la Sibérie, poursuivait encore un autre but : prêcher le salut par la foi et la rédemption.

— Dites-leur que Christ a eu pitié d’eux, les a aimés et qu’il est mort pour eux, et que, s’ils croient cela, ils seront sauvés.

Tandis qu’il parlait tous les prisonniers demeuraient silencieux devant leurs lits, les mains sur la couture du pantalon.

— Dites-leur que c’est écrit dans ce livre, ajouta-t-il. Y en a-t-il parmi eux qui savent lire ?

Il s’en trouva plus de vingt. L’Anglais retira de sa sacoche quelques exemplaires reliés du Nouveau Testament, et des mains musculeuses, aux ongles noirs et solides, se tendirent vers lui, se repoussant l’une l’autre. Il remit dans cette salle deux évangiles et passa à la suivante.

Dans l’autre salle, tout était semblable : même manque d’air, même puanteur, même icône suspendue entre les fenêtres, même cuveau à gauche