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pas avoir, est cultivée par ces mêmes hommes, réduits à l’extrême misère, afin que le grain qu’elle produit soit vendu à l’étranger et que le propriétaire foncier puisse s’acheter des chapeaux, des cannes, des calèches, des bronzes, etc. À présent tout cela était pour lui aussi évident qu’il est évident que des chevaux enfermés dans un pré dont ils ont mangé toute l’herbe, maigrissent et crèvent de faim, si on ne leur laisse pas la possibilité d’aller sur des terres où ils peuvent trouver de la nourriture… Et cela est terrible. Cela ne peut et ne doit être ainsi. Il faut donc trouver le moyen de détruire cet état de choses, ou tout au moins n’y pas contribuer. « Et je le trouverai, absolument ! » songeait-il en allant et venant dans l’allée de bouleaux. « Dans les sociétés savantes, dans les administrations, dans les journaux, nous ratiocinons sur les causes de la misère du peuple, sur les moyens de le relever, mais nous négligeons le seul moyen qui le relèverait sûrement, et qui consiste à lui restituer la terre qui lui est nécessaire et qu’on lui a prise ». Et il se remémora nettement les théories principales d’Henry George, et l’enthousiasme qu’il avait jadis ressenti pour elles, et il s’étonna d’avoir pu les oublier. « La terre ne saurait être un objet de propriété ; elle ne peut être ni un objet d’achat ni de vente, pas plus que l’eau, l’air, et les rayons du soleil. Tous ont un droit égal à la terre et à tous les avantages qu’elle