Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol37.djvu/484

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qui allait être porté sur ses enfants, précédait Nekhludov d’un pas rapide, en se dirigeant vers les appartements privés. Dans la troisième pièce, haute, tendue de blanc, éclairée d’une lampe basse à abat-jour sombre, deux petits lits étaient dressés côte à côte ; près d’eux était assise une nourrice en pèlerine blanche, une Sibérienne, avec un bon visage aux pommettes saillantes. Elle se leva et salua. La mère se pencha au-dessus du premier lit dans lequel dormait paisiblement, la bouche ouverte, une fillette de deux ans, aux longs cheveux bouclés étalés sur l’oreiller.

— Voici Katia, dit la mère en replaçant une couverture à rayures bleues, tricotée, au-dessous de laquelle sortait une petite jambe blanche.

— Est-elle jolie ? Et elle n’a que deux ans !

— Délicieuse !

— Et voici Vassuk, comme l’appelle son grand-père ! Un tout autre type. Un Sibérien ! N’est-ce pas ?

— Un superbe garçon ! dit Nekhludov en regardant le bébé qui dormait couché sur le ventre.

— N’est-ce pas ? fit la mère avec un sourire significatif.

Nekhludov se rappela les chaînes, les têtes rasées, les coups, la débauche, le moribond Kriltsov, Katucha et tout son passé, et soudain il eut le désir d’un bonheur aussi comme il faut, aussi pur, que lui semblait celui dont il était témoin.