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— Que de fois leur ai-je dit en toute honnêteté : « Quand vous faites rentrer votre bétail surveillez-le », dit le gérant souriant, en se tournant vers Nekhludov, comme pour le prendre à témoin.

— Je ne suis rentrée qu’un instant auprès de mon petit, et elles se sont échappées !

— Tu n’as qu’à ne pas t’en aller, quand tu t’es engagée à surveiller.

— Et qui donnera à manger au petit ? Ce n’est pas toi qui lui donneras le sein !

— Si encore ma vache avait causé du dommage dans la prairie ; mais elle venait d’y entrer ! disait l’autre.

— Ils ont tondu tous les prés, dit le gérant à Nekhludov ; si on ne les mettait pas à l’amende, il n’y aurait pas une botte de foin.

— Ah ! ne pèche pas ! cria la femme enceinte. Les miennes n’ont jamais été prises !

— Mais à présent, elles y sont, prises ! Alors, paie ou travaille !

— Eh bien ! Je travaillerai. Mais rends d’abord la vache, ne la fais pas mourir de faim ! cria-t-elle avec colère. Sans compter que je n’ai déjà pas un instant de repos, ni jour ni nuit ! Ma belle-mère est malade ; mon homme est ivre-mort ; je suis seule à tout faire et je n’en ai plus la force ! Que tu t’étrangles avec ton travail !

Nekhludov pria le gérant de relâcher les vaches,