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de boire son second verre de thé quand la troïka de poste, les clochettes sonnantes et les roues résonnant sur la boue durcie comme de la pierre, s’arrêta devant le perron. Après avoir réglé sa note à l’hôtesse au gros cou, Nekhludov quitta vivement l’auberge et monta dans la voiture en donnant l’ordre d’aller le plus vite possible, afin de rattraper le convoi. Et de fait, non loin du village, il rejoignit les charrettes chargées des sacs et des malades, s’avançant sur la boue glacée qui commençait à dégeler. (Il n’y avait pas d’officier ; il était parti en avant.) Les soldats, qui avaient certainement bu, bavardaient gaiement, en marchant derrière et sur les deux côtés de la route. Les charrettes étaient en grand nombre. Dans chacune de celles de devant, se trouvaient entassés, six par six, les condamnés de droit commun impotents, et dans chacune des trois dernières, trois condamnés politiques. Dans la toute dernière, il y avait Novodvorov, Grabetz et Kondratiev ; dans la deuxième, Rantzeva, Nabatov et la femme souffrant de rhumatismes, à qui Marie Pavlovna avait cédé sa place. Dans la troisième, sur du foin et des oreillers, était étendu Kriltsov. Marie Pavlovna était assise près de lui, sur le rebord. Nekhludov arrêta sa voiture près de celle de Krilstov et s’approcha de lui. Un des soldats de l’escorte, qui avait bu beaucoup, agita le bras, mais ce geste n’arrêta pas Nekhludov, il s’appro-