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de tout cela n’existait. Au lieu de limiter les crimes, on ne faisait que les propager ; au lieu d’intimider on ne faisait qu’encourager les criminels dont beaucoup, par exemple les vagabonds, se constituaient volontairement prisonniers ; au lieu de corriger, on développait la contagion systématique de tous les vices. Et quant au désir de la vengeance, non seulement il n’était pas apaisé par les punitions légales, mais on le faisait naître dans le peuple là où il n’existait pas.

« Mais alors pourquoi font-ils tout cela ? » se demandait Nekhludov ; et il ne trouvait point de réponse.

Ce qui l’étonnait le plus, c’est que tout cela ne se faisait point par hasard, par malentendu, exceptionnellement, mais que cela se faisait toujours, depuis des centaines d’années, avec cette seule différence, que jadis on arrachait aux prisonniers les narines, qu’on leur coupait les oreilles, qu’on les marquait au fer rouge, qu’on les traînait sur des tringles de fer, tandis que maintenant on leur mettait des menottes et les conduisait à la vapeur et non sur des charrettes. Les fonctionnaires prétendaient que les faits dont s’indignait Nekhludov tenaient à l’imperfection des lieux de détention et de déportation, et que tout cela pouvait être amélioré par la création de prisons mieux agencées ; mais cette explication ne satisfaisait point Nekhludov, car il sentait