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lement la possession de la terre à l’exclusion des propriétaires et des fonctionnaires. La révolution, à son avis, ne devait pas changer les formes fondamentales de la vie du peuple, — et en cela il différait de Novodvorov et du partisan de celui-ci, Markel Kondratiev, — elle ne devait pas démolir tout l’édifice, mais simplement répartir autrement les étages inférieurs de ce vieil édifice, beau, solide et vaste, qu’il aimait ardemment.

Il était demeuré paysan, même dans sa façon d’envisager la religion : jamais il ne pensait aux questions métaphysiques, au commencement du commencement, et à la vie future. Dieu était pour lui, comme pour Arago, une hypothèse dont, jusqu’à présent, il n’avait ressenti aucun besoin. Il se souciait peu de la façon dont le monde a commencé : selon Moïse ou selon Darwin, et le darwinisme, qui avait une si grande importance aux yeux de ses camarades, pour lui, était le même jeu de la pensée que la création en six jours.

La question de l’origine du monde ne le préoccupait pas, précisément parce qu’elle s’effacait devant celle qu’il se posait : comment y vivre de la meilleure façon ? Quant à la vie future, jamais non plus il n’y pensait, mais il gardait au fond de son cœur une croyance ferme et sereine, léguée par ses ancêtres et commune à tous les laboureurs, il croyait que de même que dans le monde animal et végétal, rien n’est détruit et que tout se trans-