était simplement déporté, de faire l’échange de leurs peines : le forçat deviendrait un déporté, et le déporté irait à sa place au bagne.
Nekhludov connaissait déjà cette affaire, car le même prisonnier l’en avait prévenu huit jours auparavant. Il fit signe de la tête qu’il avait compris et qu’il ferait tout ce qu’il pourrait ; puis, sans se retourner, il alla plus loin.
Nekhludov connaissait ce prisonnier depuis Ekaterinebourg, où il l’avait prié d’obtenir pour sa femme l’autorisation de l’accompagner, et il était surpris de son acte. C’était un homme de taille moyenne, d’environ trente ans, l’air d’un paysan russe le plus ordinaire, condamné aux travaux forcés pour tentative d’assassinat ayant le vol pour mobile. Il s’appelait Makar Dievkine. Son crime était assez bizarre. Selon Makar, lui-même n’en était point l’auteur, mais l’esprit malin, Lui. Un voyageur, racontait-il était venu chez son père et avait loué, moyennant deux roubles, une charrette pour se rendre à un village situé à quarante verstes de là. Le père ordonna à Makar de conduire le voyageur. Il avait attelé le cheval, s’était préparé au départ, et avait bu le thé en compagnie du voyageur. Pendant qu’ils buvaient le thé, le voyageur avait raconté qu’il partait pour se marier et qu’il emportait sur lui cinq cents roubles gagnés à Moscou. Ayant appris cela, Makar était sorti dans la cour et avait glissé une hache sous la paille du