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comme durant tout son voyage, il se trouvait dans cette disposition d’esprit sérieuse et réfléchie, qui ne lui permettait point de juger légèrement et avec mépris qui que ce fût, et il estimait qu’il devait parler à chacun à cœur ouvert, comme il le définissait lui-même. Quand il eut écouté l’officier et compris son état d’âme, il lui dit, gravement :

— Je crois que dans votre service même on peut trouver une consolation en adoucissant des souffrances humaines.

— Quelles souffrances ? C’est une telle engeance !

— Est-ce donc une engeance particulière ? demanda Nekhludov. Ce sont des hommes comme les autres. Quelques-uns même sont innocents.

— Sans doute, il s’en trouve de toutes sortes. Et on les plaint. D’autres ne leur passent rien ; mais moi, chaque fois que je le puis, je tâche de les soulager. Mieux vaut que ce soit moi qui en souffre. D’autres, à la moindre chose, le règlement, et même la fusillade ! Moi, j’ai pitié… S’il vous plaît ? Prenez donc, dit-il en versant un nouveau verre de thé. Et cette femme que vous voulez voir, qu’est-elle en somme ? demanda-t-il.

— C’est une malheureuse tombée dans une maison publique et là faussement accusée d’empoisonnement. Et cependant c’est une très brave femme, répondit Nekhludov.

L’officier hocha la tête.