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qui plus tard, à la forteresse, se coupa la gorge avec un morceau de verre) et de quelques autres. Mais je n’étais pas révolutionnaire. J’y fis également connaissance de deux voisins de cellule. Tous deux avaient été arrêtés pour une affaire de proclamations polonaises. Ils avaient été jugés pour leur tentative d’évasion pendant qu’on les conduisait à la gare du chemin de fer. L’un était polonais, Lozynsky ; l’autre juif, Rozovsky. Oui… Ce Rozovsky était encore un enfant. Il se donnait dix-sept ans, mais il n’en paraissait pas plus de quinze. Maigre, petit, vif, avec des yeux noirs brillants, et, comme tous les juifs, très musicien. Sa voix muait encore, mais il chantait très bien. Oui… J’étais en prison quand on les conduisit au tribunal. On les avait emmenés le matin. Le soir, quand ils revinrent, ils nous dirent qu’ils étaient condamnés à mort. Personne ne s’y attendait. L’affaire était peu importante. Ils avaient cherché simplement à se débarrasser de leur escorte, sans même blesser personne. Et puis c’était si peu naturel qu’on pût exécuter un enfant comme Rozovsky. Tous, dans la prison, était convaincus que c’était là simplement un acte d’intimidation, mais que l’arrêt ne serait pas confirmé. Et l’émotion se calma peu à peu, notre vie reprit son train habituel. Oui… Mais un soir, le gardien s’approcha de ma porte, et avec mystère, me dit que les charpentiers étaient venus dresser la potence. Au pre-